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soufi

  • la Issaouia ..... de mahdia ou d'ailleur historique

    «Les composantes musicales du chant soufi», conférence de Fethi Zghonda à Dar Ben Achour

    Une musique tunisienne à l’abri des influences La musique profane et la musique sacrée ont-elles les mêmes composantes musicales ? Fethi Zghonda, lors d’une rencontre organisée par l’association tunisienne Sites et monuments et la bibliothèque de la ville de Tunis, vendredi dernier, à Dar Ben Achour, répond : «oui. La différence entre les deux musiques n’est pas fondamentale». C’est au niveau des poèmes choisis que les deux musiques se différencient. Mais en termes de composantes musicales, on peut y détecter beaucoup de points communs.
    Le musicologue a commencé par présenter les diverses confréries que connaît la Tunisie (Chadhliya, Soulamiya, Qadriyia, Issaouia, Tijanyia…) en précisant à chaque fois le nom des cheikhs qui les ont soutenues, leur époque et leur rituel. «C’est avec les Hafsides que se multiplient les zaouias. Les confréries deviennent puissantes, rayonnantes et massivement implantées dans tout le territoire», précise-t-il.
    Fethi Zghonda a parlé de la manière spécifique de chacune de se rapprocher du divin, de leurs pratiques qui commencent toujours par un récital du Coran et finissent par un chant, généralement sans instrument. «Trois éléments caractérisent le chant sacré : d’abord la récitation du Coran (tartil et tajwid), ensuite l’appel à la prière (al adhân) et enfin le chant célébrant le Prophète : Al Maouled an-nabawi ach-charîf, al hamaziya, al burda, assîrâ an-nabawiya», précise le chercheur. Avec beaucoup d’admiration, Zghonda a proposé à l’audience un extrait de ce chant d’une extrême beauté. Sans cadence, les chanteurs arrivent à harmoniser leurs voix. «Une interprétation très difficile», explique-t-il. «Ce genre de chant n’existe qu’en Tunisie. Il porte notre empreinte», ajoute-t-il.
    Le répertoire religieux exhibe aussi la musique dite « savante ». Une musique d’une modalité développée, destinée à être écoutée et savourée. Elle est subtile et riche en mouvements mélodiques, en modes rythmiques et en jeu orchestral finement structuré.
    Zghonda a évoqué comme exemple «Chadhliya» où le chant collectif et individuel se base essentiellement sur l’improvisation. «Et aucune improvisation n’est possible sans la maîtrise certaine des prouesses vocales pures», qui sont probablement les mêmes dans les chansons profanes. On peut détecter aussi des modalités tels le bashraf ou des modes comme al dhil.
    La Issaouia utilise une suite musicale propre aussi à la musique profane, la nûba. Neuf mouvements caractérisent ce genre musical, à savoir istiftah (ouverture), b’tayhi, dkhûl barwal, barwal, draj, khfif, khatm (finale, consacrée au tawhîd). «La nûba est chantée sur un même mode mais avec des rythmes différents qui s’accélèrent au fur et à mesure de la chanson. Les mêmes modes et les rythmes existent aux chants de la Issaouia. Seuls les instruments diffèrent», fait remarquer le chercheur. Il a précisé que chaque région s’approprie des instruments : à Tunis, on utilise seulement les instruments de percussion, dans les villes de la côte (Sousse, Mahdia et Sfax),

    on y ajoute la zokra. Dans les villes du Cap Bon, on introduit la clarinette.
    En abordant la Soulamiya, Zghonda a longtemps parlé de la «chaîne d’or» (Assilsila Eddhahabia), qui n’est autre qu’un long qasid, sous forme d’un arbre généalogique où on fait l’éloge des grands maîtres de confréries. «Sa mise en musique a été réalisée par un certain Mohamed Ben Slimane, un juge épris de musique sacrée». La Soulamiya se caractérise par son grand nombre de «bhours». Certains sont interprétés a cappella, d’autres sont accompagnés de «bendir» et la plupart de ces chants sont construits selon des «tûbû» tunisiennes classiques ou populaires. Ces dernières se partagent en modes urbains et ruraux. «Notre richesse musicale est immense», fait remarquer Zghonda. La musique est transmise oralement, de génération en génération, les zaouias les ont conservés à l’abri de toute influence étrangère, orientale en particulier. «Le renfermement de ce lieu de culte était bénéfique pour la sauvegarde de ce patrimoine d’une grande importance culturelle et artistique».

     

     

     

    Entre sacré et profane

     

    La Issaouia s’est transformée au fil du temps en un festival d’été qui anime chaque coin du village de Sidi Bou Saïd, village pittoresque submergé par une foule de visiteurs, notamment durant les trois jours du mois d’août, date de la fameuse Issaouia découlant directement de la confrérie de Sidi M’hammed Ben Issaâ.

    Les adeptes de cette secte ont pris l’habitude de revisiter le village saint durant le mois d’août et d’organiser des cérémonies autrefois religieuses. De nos jours, à la mi-août et durant ces trois jours, les murs sont escaladés par les visiteurs, le mausolée envahi par les touristes, jeunes et moins jeunes à la recherche d’émotion forte, de spectacle épatant. Tous sont là pour d’éternels chants et danses dont l’origine remonte à naguère. Dans l’enceinte de la mosquée, les figuiers de barbarie, le verre et les clous disposent d’une bonne partie du spectacle. Nombreux sont les adeptes de la confrérie, tous vêtus en laine. Seul le chef de la confrérie est habillé différemment. Véritable fête folklorique, la Issaouia attire chaque année des centaines de visiteurs curieux. Le spectacle passionne certains, notamment ceux qui croient en les confréries.

     

    La Issaouia offre au visiteur des vues invraisemblables.

    Des êtres humains mangeant du verre ou encore avalant des clous sous l’œil vigilant de leur chef de confrérie, les chants aidant l’état de transe. Des chants religieux mêlés aux rythmes des tambours vous transportent loin, très loin à travers des siècles glorieux.

    Les gens fascinés par le spectacle observent le silence, un silence de méditation et d’ivresse.

    Les touristes non habitués à ce genre de spectacle laissent plein cours à leur étonnement. «Ce n’est pas un festival ordinaire. C’est un peu de l’envoûtement. On a l’impression que ces gens sont hantés par les mauvais esprits», commente une touriste quinquagénaire.

    Et d’ajouter : «Le spectacle demeure unique mais l’on ne comprend pas le phénomène!».

    Décidément, cette pratique ancestrale qui a perdu de son éclat et de son contenu attire encore des foules considérables venus des quatres coins de la Tunisie. Elle fait en outre le charme de Sidi Bou Saïd durant l’été. Festival ou fête religieuse l’ampleur demeure de poids.

    La fête solennelle qui est la cérémonie de la Issaouia est aujourd’hui appelé El Kharja, fête semi-religieuse jadis, transformée au fil du temps en fête folklorique. Les adeptes de la issaouia viennent de Zaouiet Ariana chaque mois d’août. Les adeptes de Sidi Ben Issaâ déferlent vers Sidi Bou Saïd. Leur départ est en direction du bas du village d’où ils reviendront au pas cadencé et aux chants rythmés par les tambours et les applaudissements. La Kharja est une marche processionnelle.

    Autrefois, les grands maîtres soufis, en l’occurrence Sidi Bou Saïd El Béji, Sidi Belhassen, Ibn Arabi se donnaient à d’interminables méditations autour de sujets métaphysiques et soufis.

    Jadis également, les maîtres soufis et leurs disciples orientaient la issaouia vers d’autres buts. Le côté mystique primait. Les chants liturgiques étaient scandés par les disciples en louant Dieu, et quelques saints, voire le Prophète Mohamed. «Le chant de gloire inspiré par un fond mystique s’accompagne de mouvements de balancement et seuls les initiés pouvaient s’adonner à ces cérémonies», explique le cheikh qui a longtemps écouté les maîtres soufis.

    De nos jours, la Issaouia a pris une autre conotation et une autre signification. C’est désormais le festival de la Issaouia durant lequel des jeunes, des moins jeunes et des touristes viennent assister à ce festival tant envoûtant et ensorcelant pour certains. Deux confréries se cotoient, celle de l’Ariana et celle de Sidi Bou Saïd El Maski, responsable de la confrérie de l’Ariana, nous parle de l’état psychique particulier dû probablement à un stimulant musical ou quelque chose de purement divin. Il reste sceptique quant à cet état de transe. «Les membres de la confrérie sont capables de manger des figues de Barbarie et des clous. Ils quittent ainsi leur état normal pour un état second».

    Le cheikh a une autre explication : «La transe est le résultat d’une immense excitation nerveuse». Le cheikh paraît beaucoup plus averti quant aux transmissions nerveuses pour expliquer un phénomène hors pair et parfois relié à l’au-delà.

    «C’est au Cheikh Abou Abdallah Sidi M’hammed Ben Issa que remonte cette confrérie et à laquelle on a attribué beaucoup de vertus», ajoute-t-il en vrai connaisseur.

    Les soufis et leurs disciples doivent briser toute chose avec le monde extérieur, c’est ce qui explique ces états de transe.

    Durant la cérémonie, les adeptes se laissent envoûter par l’amour de Dieu en répétant «Allah» à chaque refrain. «Chaque doigt représente un signe particulier de la confrérie. Les adeptes croient dur comme fer en la confrérie. Chacune doit désigner le don auquel l’adepte a été voué, par exemple, nombre d’entre eux consomment des clous, d’autres du verre. Le «bdan», vêtement de laine, à même la peau, défie la canicule du mois d’août et les chants rendent les adeptes insensibles à toute douleur due à un contact violent. On peut voir, par exemple les issaouis se vautrer sur les raquettes de figuiers de barbarie, ce qui est choquant pour les visiteurs et pour les nombreux touristes curieux de découvrir nos traditions. Les spectateurs assistent chaque année, au mois d’août, aux spectacles d’une confrérie qui revêtent un aspect folklorique alors que, autrefois, ils étaient dédiés à la méditation.

    La croyance fervente en Dieu et aux grands soufis à travers la Issaouia et les confréries a perdu de son éclat et s’est transformée en un festival attirant les touristes et les visiteurs.

     

     

     

     

     

     

     

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